Bonjour à tous,

Voici le deuxième poème de la troisième partie de mon recueil intitulée

 

                                    La perte, ô vie sans contours

 

Cette partie est peut-être la partie la plus sombre, la plus difficile à accepter dans la mesure où la tristesse, la mélancolie sont abordées directement et pour elles mêmes et non plus par le biais de thèmes extérieurs comme la guerre ( partie I) ou les amours perdues ( partie II).

 

Ce poème est écrit selon le procédé de la métaphore filée, de plusieurs métaphores filées autour du tissu, de la couture. Par exemple :

- Le corps du poète est identifié à un océan de châles, c'est à dire une multitude de morceaux désolidarisés, trop légers, sans attache, perdus et seuls.

- Le travail du poète est ici, de manière négative, comparé à un laborieux ravaudage, les mots sont tant bien que mal cousus entre eux mais finalement la parole reste impossible, à cause de la solitude, de l'absence de sens...

Car, au bout du compte, tout est nié dès que posé, effacé ( l'écriture est un cimetière de mots perdus, le sourire n'est qu'un spectre, la mémoire est fantome, les visages sont asphixiés...). Cela traduit l'idée selon laquelle le poète ne parvient pas à trouver les signes de qui fait sens et que les humains, malgré leur grand nombre restent seuls, qu'il n'y a pas de parole possible.

 

Ce poème va au fond des entrailles de la tristesse d'où l'utilisation nombreuses d'images. Nous ne sommes plus dans le concrétement visible et palpable mais nous entrons dans le microscopique pour capter l'onde lente et rongeante de la douleur morale.

 

 

 

          A travers le cimetière de papier

          le cantique, contre la vitre, de la pluie

          accompagne seul le frappement de nos pas.

          Le spectre de nos sourires raccomodés

          cherche une issue dans l'autre

          pour y noyer l'entrelac de ses solitudes en lambeaux.

         Y rôde le murmure des mémoires,

         cette ondulation fantomatique

         qu'à peine mime l'oscillation des mots sur la page.

 

 

         Mon corps est un océan de châles agités par la pluie.

         Entre les fibres des artères,

         des visages asphixiés et des âmes vagabondes

         dialoguent avec les linceuls de la peur

         dans l'étreinte glaciale d'une impasse.

 

 

         Parfois le jour...

         Parfois le sommeil,

        entassent dans le débarras des écritures mortes,

        les ombres qui ont succombé

        à ce jeu de déchirures

        et de malabiles tissages.

 

 

       Sous l'étole de soie vivante

       il n'y a que le cauchemar des entrailles

      et la saignée sur la feuille des poètes,

      de nos gestes d'enfants seuls.

      Il n'y a que le piétinement de l'encre aveugle

      dans cette nuit sans vie

      de silence et de pluie.

 

 

      Et les corbeaux du rêve n'atteignent leurs voix

     qu'à travers les rêves des brouillards anciens,

     dans l'ouverture de cette nuit des nuits

     d'errance et de solitude.

 

 

 

 

Illustration de Bernard Munier

Illustration de Bernard Munier

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